Comprendre le rôle du pedigree nécessite d’abord d’être conscient de l’aspect sélectif de l’élevage (préservation des caractéristiques de la race, son patrimoine génétique, sa santé…). Un travail de sélection viable et réfléchi n’est pas possible sans arbre généalogique : on partirait pour ainsi dire dans tous les sens, sans repère, sans rien pour orienter nos choix. À force, on ne saurait plus qui a fait quoi, qui est le fils de qui…
Connaître l’ascendance de nos chats permet de voir effectivement ce qui a été fait auparavant, voir si cela pourrait apporter à nos recherches. Marier deux chats aux ancêtres présentant les caractéristiques recherchées permet d’accroître les chances de les retrouver sur les chatons (sans garantie cependant puisque l’on ne contrôle pas les gènes de nos chats). Or, comment savoir si nous disposons d’un « terrain » favorable à la conservation des qualités acquises, l’obtention de celles recherchées si on ne sait même pas à quoi ressemblent les aïeuls ? Et pour savoir à quoi ils ressemblent, il faut connaître leurs noms, chose que donne le pedigree !
En principe, tout bon éleveur devrait avoir montré les parents à l’achat d’un chaton, ne serait-ce que par des photos si l’on n’a pas pu se rendre sur place, ou si le père n’appartient pas à l’éleveur du chaton dans le cas d’une saillie extérieure. Pour voir sur davantage de générations (dans la mesure du possible), des recherches sur Internet, une rencontre en exposition voire visiter les élevages peuvent aider. Se pencher sur les bébés conçus par les frères et sœurs, se rendre compte de ce que cela donne est également intéressant.
Les titres obtenus par les reproducteurs faisant partie de la généalogie permettent également de nous faire une petite idée de leur conformité au standard, de la sélection faite. Cependant, même un champion du monde n’est assuré d’être parfait visuellement et de pouvoir faire des « bombes » même si ses qualités sont indéniables. En revanche, l’absence de titre ne veut pas forcément dire qu’un chat est impropre à la reproduction : il peut tous simplement ne pas supporter les expositions, ou ne pas y avoir accès à cause d’un défaut qui n’empêche toutefois pas de reproduire, comme un doigt non ganté, etc. Il est également possible que son propriétaire ne puisse se rendre en exposition, pour telle ou telle raison. Quant aux affixes portés par les chats, eux aussi sont susceptibles d’orienter nos choix (élevage réputé pour telle ou telle marque de fabrique…), mais il faut savoir qu’une même chatterie n’est pas toujours en mesure de donner naissance à des chatons de qualité équivalente (là encore, pas de garantie). Ceci étant, cela nous rappelle que la sélection se fait en collectif, et que c’est à plusieurs personnes que nous devons l’apparence de chacun de nos chats. À chacun ensuite de prolonger ce travail.
Au niveau des couleurs, la filiation s’avère utile pour connaître le génotype de nos chats. Ainsi, un chat de couleur dense (seal/noir, chocolat, cinnamon ou red) sera obligatoirement porteur de dilution si l’un de ses parents est de couleur diluée (blue, lilac, fawn ou crème). Cela vaut pour chaque allèle récessif (cinnamon, non agouti…) : un chat exprimant un allèle récessif (donc homozygote à ce niveau) donnera des chatons qui seront TOUS au moins porteurs de ce même allèle (voire l’exprimeront, selon le partenaire), puisqu’étant présent en double chez le parent, il est transmis à tous les coups. Dans la même optique, un chaton ayant un grand-parent de robe diluée et des parents à robe dense aura une chance sur deux de porter la dilution (un test ADN dira ce qu’il en est), et ainsi de suite. C’est aussi en examinant le pedigree que l’on peut déduire du mode de transmission de certaines spécificités, comme le tabby qui est dominant, puisqu’un chat tabby a toujours au moins un parent tabby. Sans pedigree, certaines couleurs et notamment celles données par un allèle récessif se raréfieraient peut-être ! Pour les chats dits argents, le pedigree peut même nous aider à détecter de faux smoke et silver, c’est-à-dire des chats déclarés comme tels alors qu’ils ne le sont pas. Comme l’allèle I qui donne le smoke (et le silver lorsqu’additionné au tabby) est dominant, comme pour le tabby, un chat argent (smoke ou silver) a toujours au moins un parent argent. Si le pedigree comporte uniquement des mariages argent x non argent, on peut remonter la généalogie pour savoir d’où vient
l’allèle I de notre chat (comme quoi les gènes « voyagent » loin). Et bien, s’il s’avère que l’on tombe sur un chat déclaré argent et dont on sait qu’il ne l’est pas vraiment, cela voudra dire que notre Birman n’est lui-même pas argent… Une déclaration de couleur erronée pour un seul chat peut perdurer des générations encore, et surtout pour l’argent parfois difficile à identifier sur une couleur diluée et colorpoint de surcroît…
Le pedigree a aussi son rôle à jouer en termes de santé. Si l’on a, par exemple, plusieurs chats d’une même lignée exprimant une même anomalie, on pourra se douter de l’origine génétique de cette anomalie et prendre les mesures nécessaires. Pour les maladies héréditaires comme la PKD, heureusement, certaines sont aujourd’hui détectables via des tests ADN.
Connaître l’ascendance de ses chats, c’est aussi pouvoir surveiller les taux de consanguinité. La consanguinité, notamment lorsqu’elle est pratiquée à répétition et élevée, induit des risques de baisse de la fertilité, de l’efficacité des défenses immunitaires, du gabarit… Le taux indique les chances qu’a chaque allèle d’être présent en double, par copie d’un même gène ancêtre. Le calcul de ce taux se base sur la quantité d’ancêtres communs que possèdent deux chats mariés ensemble, ainsi que le nombre de générations qui les séparent de ces ancêtres. Plus on dispose de générations, plus le calcul est fiable, et bien souvent le pedigree sur quatre générations n’est pas suffisant, d’autant que l’établissement d’une race se base sur des chats dits fondateurs, et que certains mariages, comme ceux ayant servi à l’introduction de nouvelles couleurs, se retrouvent très fréquemment. Le particulier dans tout ça ? L’aspect santé est également valable pour lui, de même que l’esthétique (et oui, un particulier aussi a le droit d’avoir un très beau chat).
Tout ceci peut s’appliquer au chat de race en général, et nous allons maintenant voir ce que nous disent les pedigrees sur le Sacré de Birmanie…