Etude de pedigree

Le pedigree dans la forme

Source : Paloma Chilini https://www.thebirmanresource.com/

 

Le mot pedigree vient de l’expression « pied de grue », faisant allusion à la ressemblance entre l’empreinte d’une patte de grue et un arbre généalogique. La déformation à l’anglaise de l’expression a donné « pedigree » qui est resté dans la langue.

En France, ce document généalogique est émis par le Livre Officiel des Origines Félines (LOOF pour les intimes). Rappelons qu’un chat ne peut prétendre à l’appellation de chat de race s’il ne possède pas de pedigree, même si il est issu de parents LOOF.

Quatre générations sont couvertes par le pedigree « officiel » au format papier, avec la couleur et éventuellement les titres de chacun des ancêtres. Aujourd’hui, Internet permettant une très large diffusion des informations, des bases de données rassemblant des centaines (voire des milliers pour les plus conséquentes !) de pedigrees, comme Pawpeds, sont consultables en ligne, ce qui rend possible une plus grande connaissance de l’ascendance de nos chats, au-delà des classiques quatre générations.

Outre sa race, ses ancêtres et bien sûr son nom, le pedigree fournit également d’autres informations comme le sexe du chat, sa date de naissance, sa couleur de robe et d’yeux, son numéro de pedigree et d’identification, les coordonnées postales de son éleveur, mais aussi les noms et couleurs de ses frères et sœurs de portée. Depuis Janvier 2011, l’identification génétique (« DNA ») et la compatibilité de filiation (« DNA comp. ») sont également précisées sur le document, si elles ont été réalisées.

Malheureusement, l’utilité, le rôle du pedigree restent souvent incompris malgré les efforts d’information des éleveurs, comme en témoignent les nombreuses petites annonces pour des chatons sans pedigree (dits de « type » ou « d’apparence ») ou les régulières interventions de propriétaires de reproducteurs « sans papiers » sur les forums et autres propositions de saillie.

Plus que de la paperasse, un outil de sélection

Comprendre le rôle du pedigree nécessite d’abord d’être conscient de l’aspect sélectif de l’élevage (préservation des caractéristiques de la race, son patrimoine génétique, sa santé…). Un travail de sélection viable et réfléchi n’est pas  possible  sans  arbre  généalogique : on partirait pour ainsi dire dans tous les sens, sans repère, sans rien pour orienter nos choix. À force, on ne saurait plus qui a fait quoi, qui est le fils de qui…

Connaître l’ascendance de nos chats permet de voir effectivement ce qui a été fait auparavant, voir si cela pourrait apporter à nos recherches. Marier deux chats aux ancêtres présentant les caractéristiques recherchées permet d’accroître les chances de les retrouver sur les chatons (sans garantie cependant puisque l’on ne contrôle pas les gènes de nos chats). Or, comment savoir si nous disposons d’un « terrain » favorable à la conservation des qualités acquises, l’obtention de celles recherchées si on ne sait même pas à quoi ressemblent les aïeuls ? Et pour savoir à quoi ils ressemblent, il faut connaître leurs noms, chose que donne le pedigree !

En principe, tout bon éleveur devrait avoir montré les parents à l’achat d’un chaton, ne serait-ce que par des photos si l’on n’a pas pu se rendre sur place, ou si le père n’appartient pas à l’éleveur du chaton dans le cas d’une saillie extérieure. Pour voir sur davantage de générations (dans la mesure du possible), des recherches sur Internet, une rencontre en exposition voire visiter les élevages peuvent aider. Se pencher sur les bébés conçus par les frères et sœurs, se rendre compte de ce que cela donne est également intéressant.

Les titres obtenus par les reproducteurs faisant partie de la généalogie permettent également de nous faire une petite idée de leur conformité au standard, de la sélection faite. Cependant, même un champion du monde n’est assuré d’être parfait visuellement et de pouvoir faire des « bombes » même si ses qualités sont indéniables. En revanche, l’absence de titre ne veut pas forcément dire qu’un chat est impropre à la reproduction : il peut tous simplement ne pas supporter les expositions, ou ne pas y avoir accès à cause d’un défaut qui n’empêche toutefois pas de reproduire, comme un doigt non ganté, etc. Il est également possible que son propriétaire ne puisse se rendre en exposition, pour telle ou telle raison. Quant aux affixes portés par les chats, eux aussi sont susceptibles d’orienter nos choix (élevage réputé pour telle ou telle marque de fabrique…), mais il faut savoir qu’une même chatterie n’est pas toujours en mesure de donner naissance à des chatons de qualité équivalente (là encore, pas de garantie). Ceci étant, cela nous rappelle que la sélection se fait en collectif, et que c’est à plusieurs personnes que nous devons l’apparence de chacun de nos chats. À chacun ensuite de prolonger ce travail.

Au niveau des couleurs, la filiation s’avère utile pour connaître le génotype de nos chats. Ainsi, un chat de couleur dense (seal/noir, chocolat, cinnamon ou red) sera obligatoirement porteur de dilution si l’un de ses parents est de couleur diluée (blue, lilac, fawn ou crème). Cela vaut pour chaque allèle récessif (cinnamon, non agouti…) : un chat exprimant un allèle récessif (donc homozygote à ce niveau) donnera des chatons qui seront TOUS au moins porteurs de ce même allèle (voire l’exprimeront, selon le partenaire), puisqu’étant présent en double chez le parent, il est transmis à tous les coups. Dans la même optique, un chaton ayant un grand-parent de robe diluée et des parents à robe dense aura une chance sur deux de porter la dilution (un test ADN dira ce qu’il en est), et ainsi de suite. C’est aussi en examinant le pedigree que l’on peut déduire du mode de transmission de certaines spécificités, comme le tabby qui est dominant, puisqu’un chat tabby a toujours au moins un parent tabby. Sans pedigree, certaines couleurs et notamment celles données par un allèle récessif se raréfieraient peut-être ! Pour les chats dits argents, le pedigree peut même nous aider à détecter de faux smoke et silver, c’est-à-dire des chats déclarés comme tels alors qu’ils ne le sont pas. Comme l’allèle I qui donne le smoke (et le silver lorsqu’additionné au tabby) est dominant, comme pour le tabby, un chat argent (smoke ou silver) a toujours au moins un parent argent. Si le pedigree comporte uniquement des mariages argent x non argent, on peut remonter la généalogie pour savoir d’où vient

l’allèle I de notre chat (comme quoi les gènes « voyagent » loin). Et bien, s’il s’avère que l’on tombe sur un chat déclaré argent et  dont on sait qu’il ne l’est pas vraiment, cela voudra dire que notre Birman n’est lui-même pas argent… Une déclaration de couleur erronée pour un seul chat peut perdurer des générations encore, et surtout pour l’argent parfois difficile à identifier sur une couleur diluée et colorpoint de surcroît…

Le pedigree a aussi son rôle à jouer en termes de santé. Si l’on a, par exemple, plusieurs chats d’une même lignée exprimant une même anomalie, on pourra se douter de l’origine génétique de cette anomalie et prendre les mesures nécessaires. Pour les maladies héréditaires comme la PKD, heureusement, certaines sont aujourd’hui détectables via des tests ADN.

Connaître l’ascendance de ses chats, c’est aussi pouvoir surveiller les taux de consanguinité. La consanguinité, notamment lorsqu’elle est pratiquée à répétition et élevée, induit des risques de baisse de la fertilité, de l’efficacité des défenses immunitaires, du gabarit… Le taux indique les chances qu’a chaque allèle d’être présent en double, par copie d’un même gène ancêtre. Le calcul de ce taux se base sur la quantité d’ancêtres communs que possèdent deux chats mariés ensemble, ainsi que le nombre de générations qui les séparent de ces ancêtres. Plus on dispose de générations, plus le calcul est fiable, et bien souvent le pedigree sur quatre générations n’est pas suffisant, d’autant que l’établissement d’une race se base sur des chats dits fondateurs, et que certains mariages, comme ceux ayant servi à l’introduction de nouvelles couleurs, se retrouvent très fréquemment. Le particulier dans tout ça ? L’aspect santé est également valable pour lui, de même que l’esthétique (et oui, un particulier aussi a le droit d’avoir un très beau chat).

Tout ceci peut s’appliquer au chat de race en général, et nous allons maintenant voir ce que nous disent les pedigrees sur le Sacré de Birmanie

Une mémoire historique

En remontant les pedigrees de nos Birmans et notamment grâce aux bases de données, on remonte aussi l’histoire de la race. 

On retrouve les chats qui ont fait « souche », les croisements faits après la Seconde guerre mondiale pour limiter la consanguinité, suite à son augmentation due à la perte de nombreux sujets durant la guerre… L’ensemble des programmes d’introduction de couleur est également très bien visible. Et oui, le pedigree est aussi un « garde mémoire » !

Voici quelques exemples (difficile de tout citer !) de chats récurrents dans les pedigrees, des exemples de chats marquants qui ont contribué à la race, en plus de Poupée de Madalpour, chatte seal point de fondation, et autres Dieu d’Arakan, premier Birman à poils mi-longs, dont on ne connait cependant pas les origines. Il semble d’ailleurs que Dieu ne soit répertorié dans aucune base de données à ce jour.

Ch. Orloff de Kaaba, Sacré de Birmanie seal point 1943 (FR) 

La Seconde guerre mondiale marque une pause dans l’élevage. Marié à sa fille Ch.Int Xénia de Kaaba (également fille de Nounourse de Montsouris ou de Youla de Kaaba, elle-même issue de Kiou, Siamois seal point X Tai/Toula de Madalpour, Sacrée de Birmanie seal point) Orloff de Kaaba a permis de relancer l’élevage de la race. Tous nos Birmans actuels descendraient de ce couple. Ici, la consanguinité a donc été nécessaire. En Allemagne, les chatteries Von Frohnau et Von Irak contribuèrent aussi au redémarrage avec leurs reproducteurs survivants.

Marquis de Crespières, Sacré de Birmanie seal point 1963 (FR)

Marquis était un célèbre mâle seal, fidèle au standard. Il était le petit-fils d’Eloi/Eryx de Madalpour qui portait la dilution puisqu’il a donné naissance à quelques-uns des premiers Birmans bleus, dont Gastounet de Madalpour. Autre chat, ou plutôt chatte notable sur le pedigree de Marquis : Cosima des Muses, née de deux enfants d’Orloff et Xénia, qui sont très présents sur ce pedigree. On y voit également les croisements faits avec des Persans en vue de limiter la consanguinité. Ces croisements ont sûrement contribué à la propagation de l’allèle d responsable de la dilution de la couleur (le seal devient bleu, le chocolat devient lilac, etc.) et qui semble présent dans le pool génétique dès le démarrage de la race, compte tenu de la généalogie d’Eloi/Eryx (la consanguinité d’alors a donc également pu favoriser la transmission de d). Marquis, marié à son arrière-grand-mère Dorothée de Crespières, donna naissance à Nouky de Mon Rêve, seal point, qui fut l’un des premiers Birmans importés au Royaume-Uni en 1964 puis 1965, avec Osaka de Lugh et Orlamonde de Khlaramour (tous deux blue point). Cinq nouveaux chats, que l’on retrouve là encore régulièrement dans les pedigrees, furent importés durant les années qui suivirent, Ghandi Von Assindia, blue point, et quatre seal : Solomon Von Assindia, Shani de la Vallière, Dandy von Aroldessen et Pipo du Clos Fleuri (pedigree ci-dessous).

En 1974, des croisements ont à nouveau lieu, cette fois-ci pour introduire l’allèle récessif b, qui donne le chocolat, et le lilac lorsque couplé à la dilution. Ces hybridations se feront avec des Siamois, comme Dear Dominic, chocolat point, ainsi qu’avec des Persans colorpoint parmi lesquels Mingchiu Manakini, lilac point. C’est à la chatterie Schwechinthe que nous devons ce programme d’élevage. L’introduction de nouvelles couleurs continue en Angleterre à la fin des années 70 avec le red et ses dérivés.

Gr.Ch.Int Hilken Red Cherry Of Srinagar, Sacrée de Birmanie seal tortie point 1984 (R-U]

Hilken Red Cherry fut la première Birmane seal tortie à arriver en France, importée par Marie-Anne Taranger, chatterie de  Srinagar. Elle est issue du programme d’introduction du red démarré par la chatterie Hilken à partir de Red Dawn, chatte de maison red et blanche (gantage et liste sur le ventre) à poils courts, porteuse de poils longs, visible en quatrième génération côté maternel sur ce pedigree. Red Dawn a été mariée à Chanson Dematin (mâle largement présent dans les ancêtres de nos chats et très productif avec 139 chatons enregistrés sur Pawpeds !) qui a lui-même été accouplé à ses filles pour retrouver le « look Birman ». C’est aux  chats de chez Hilken que l’immense majorité de Sacrés de Birmanie red, crème ou tortie doivent leur couleur.

Ch.Int Las Perlas-Sin Cepetto, Sacré de Birmanie seal tabby point 1986 (ALL)

Encore un chat « envahissant » ! Cepetto, né chez Anneli Falk qui l’a gardé, est au tabby ce que les Hilken sont au red : il est à l’origine de la plupart de nos Birmans tabby. On le trouve quasiment à tous les coups dans leur généalogie. Son pedigree nous montre que l’introduction s’est faite à partir de Persans chinchillas. Julipaul Tigerface, lui aussi assez actif, participa également au développement du tabby. Dans son cas, le programme d’introduction se basait sur Princess Polkadot, apparemment une croisée.

C’est ainsi que de simples arbres généalogiques peuvent nous apprendre bien des choses…

Conclusion

Le rôle du pedigree est souvent sous-estimé mais n’est pas pour autant négligeable. Il fait office de boussole et permet également de sauvegarder les informations : les paroles s’envolent, mais les écrits restent ! L’étude du pedigree est donc un bon moyen d’en savoir plus sur la race en générale, se faire une idée de sa situation à telle ou telle période, ou même suivre les étapes d’un programme d’introduction de couleur. L’occasion de voir tout le chemin parcouru, mais l’aventure n’est pas terminée : reste à préserver,  prolonger ce qui a été fait auparavant. Le Birman n’a pas fini d’évoluer, et est maintenant doté d’une belle et riche palette de couleur contribuant à sa diversité génétique, à laquelle s’ajoutent le fawn et le cinnamon, même si le smoke et le silver (introduits via des Persans chinchillas) doivent encore progresser puisque peu d’éleveurs travaillent avec le gène argent. Et peut-être que le caramel, sur lequel des recherches sont en cours à l’école nationale vétérinaire d’Alfort, sera bientôt reconnu. Pour finir, remercions les bases de données pour toutes les informations qu’elles partagent.

Paloma Chilini

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