La leucose féline

Par Pierre Ganière, Professeur Pathologie infectieuse de l’école Nationale Vétérinaire de Nantes & Marianne Fontaine Docteur Vétérinaire, Service Technique Merial. 

Résumé Florence RICHARD

La leucose féline est une maladie virale due à un rétrovirus, qui est souvent nommé selon son sigle anglophone, FelV pour Feline Leukemia Virus. Comme tous les rétrovirus, il dispose d’enzymes spécifiques lui permettant de transcrire l’ARN en ADN proviral et de l’intégrer au génome des cellules qu’il infecte. Cette particularité lui permet de séjourner dans l’organisme pendant de très longues périodes. Lors de sortie de latence ultérieure, des signes cliniques très variés peuvent être observés (anémie, hyperthermie, tumeurs). Des infections secondaires sont fréquentes car il s’agit d’un virus immunodépresseur.

Le traitement est symptomatique est peut éventuellement faire appel à des immunomodulateurs, mais ne permet pas à l’heure actuelle d’éliminer le virus. La vaccination et le dépistage sont les meilleurs moyens pour protéger les individus et les populations félines.

Introduction :

Le virus de la leucose féline a été identifié en 1964. De répartition mondiale il provoque chez le chat des affections variées comprenant notamment de graves immunodépressions, des tumeurs malignes et des leucémies.

Etiologie :

Le virus de la leucose féline fait partie de la famille des retroviridae qui se définissent par leur structure, mais surtout par leur mode de réplication. Ces virus à ARN, grâce à l’enzyme qu’ils transportent transcrivent leur génome en un ADN proviral qui peut alors s’intégrer dans le chromosome des cellules infectées.
L’ARN viral contient 4 gènes qui expliquent le fonctionnement du virus : Le gène gag code pour les protéines internes du virus, le gène env pour les protéines externes, le gène pol pour la transcriptase inverse et l’intégrase et le gène pro pour la protéase virale.

Parmi les protéines et glycoprotéines qui constitue le virus, deux sont particulièrement importantes sur le plan du diagnostic et de la prophylaxie.

– la protéine p27 qui est un des éléments de la capside ; si elle est identifiée dans le sérum ou les cellules, elle témoigne de la présence d’une infection par le virus leucémogène félin.
– La glycoprotéine d’ enveloppe gp70 qui est responsable de la pénétration du virus dans les cellules. Elle est donc la cible de choix dans la mise au point de vaccins.

La structure de la glycoprotéine permet de distinguer trois sous-groupe FelV-A, -B et –C. Les chats en état de virémie persistante peuvent héberger un seul, les deux ou les trois sous-groupes.
Le sous-groupe A, présent chez tous chats infectés est le seul contagieux.
Très immodépresseur, il est responsable des formes cliniques classiques. Les autres sous-groupes, isolés lorsque le A est déjà présent, sont responsables de formes cliniques spécifiques. Le B, isolé chez 50 % des chats infectés, est le produit d’une recombinaison entre le provirus FelV-A intégré et des séquences endogènes de rétrovirus félin présentes naturellement dans le génome cellulaire des chats. Le groupe C, isolé chez 1% des chats infectés est le produit de mutations du gène env du FelV-A.

Il est associé à de graves anémies chez le chaton.

Dans des conditions optimales le virus peut résister jusqu’à 48 heures. Il est inactivé par les désinfectants classiques. 

Epidémiologie :

Les modes de transmission du virus leucémogène félin sont nombreux. Ils peuvent être inoculé par morsure ou lors d’accouplement mais le plus souvent la transmission est oro-nasale. Il est donc présent dans la salive, le sperme, les larmes, l’urine et les fèces. Cependant il faut une grosse dose infectante avec un contact rapproché et durable pour qu’une transmission horizontale ait lieu. De ce fait les contaminations indirectes par l’intermédiaires de litière ou de gamelles communes sont très rares.

Une transmission verticale depuis la mère est possible vers ses chatons, que ce soit par le lait ou contacts prolongés ou même par voie ransplacentaire. 

Pathogénie :

L’infection est caractérisée par différents stades qui définissent l’aspect clinique de la maladie et la contagion possible des chats atteints.

Déroulement de l’infection : Après pénétration du virus par voir orale ou nasale, il se multiplie activement dans les tissus lymphoïdes régionaux. Les cellules lymphocytaires et
monocytaires infectées passent dans la circulation sanguine et sont donc responsables, quelques jours après l’infection, d’une virémie qui est difficile à détecter par des tests sériques. Le virus est alors véhiculé vers différents tissus dont la moelle osseuse où il peut infecter les cellules souches de toutes les lignées sanguines. La virémie étant faible, l’excrétion l’est aussi et donc les chats sont peu contagieux.
Les cellules souches infectées donnent naissance à des cellules sanguines circulantes également infectées, produisant une virémie persistante. Le virus se propage alors aux épithéliums de nombreux organes comme les reins, le tube digestif, le tractus respiratoire, la vessie et les glandes salivaires. Un chat virémique persistant est un excréteur persistant.

Dans environ un tiers des cas, le système immunitaire est très efficace et neutralise le virus dès son entrée dans l’organisme au cours de la première phase virémique. Ces chats sont donc guéris et leurs anticorps semblent les protéger définitivement.
Dans environ un tiers des cas, le système immunitaire n’empêche pas le virus de rejoindre les sites de multiplication active secondaires mais limite cette multiplication. Ces chats deviennent des porteurs latents du virus.

Dans le dernier tiers des cas, le système immunitaire des chats est capable de contrôler le virus. Ces chats deviennent donc virémiques persistants dès la première remise en circulation du virus. 85 % des chats virémiques persistants décèdent dans un délai de 3 ans ½ environ. Leur espérance moyenne de vie est de 21 mois. 

Signes cliniques :

Maladies dégénératives :
Elles sont la conséquence de l’infection des cellules souches des lignées sanguines. Il en résulte des anémies, des formes pseudopanleucopéniques et des troubles de la coagulation. 

Immonodépression :

L’ensemble du système immunitaire est déprimé. La synthèse d’anticorps, les fonctions des cellules macrophagiques et les capacités cytotoxiques sont altérées. Des infections secondaires sont alors observées. Il n’y a pas de lien entre l’infection par le FelV et le FIV mais les conséquences cliniques sont potentialisées. Il est reconnu que la majorité des chats meurent de surinfections plutôt que des formes tumorales. Le traitement symptomatique des surinfections est donc vital dans la survie des chats présentant ce type d’affection.

Formes tumorales :

Les lymphosarcomes sont les tumeurs les plus fréquentes. Il en existe plusieurs formes dont : 
– digestives chez les chats les plus âgés
– thymique chez les chats de moins de 4 ans les leucémies sont plus rares mais peuvent concerner toutes les cellules souches.

Troubles de la reproduction :

Les chattes virémiques contaminent leurs embryons par voie transplacentaire, provoquant une mort embryonnaire et infertilité. Si les chatons ne meurent pas pendant la gestation de la mère, ils naissent eux-mêmes virémiques et meurent rapidement.

Diagnostic :

Le FelV est à l’origine d’affections très variées, aucune n’étant spécifique. La leucose féline sera donc suspectée en présence de tout cas de maladie chronique ou récidivante. 

Examens complémentaires au cabinet :

Le fait que les chats ayant éliminé le FelV puissent présenter durablement des anticorps alors que la réponse immune est altérée chez les chats infectés exclut la sérologie en tant qu’élément de diagnostic ou de dépistage. 
Les examens complémentaires reposent sur la détection de la protéine de capisde p27 qui, produite en excès lors des phases de réplication du FelV, est libérée dans le sang.
L’antigène p27 est mis en évidence dans le sérum, le plasma ou le sang total en utilisant des kit de diagnostic rapide faisant appel à des techniques ELISA. Les résultats les plus fiables sont obtenus à partir du sérum.

En tout état de cause, un chat ne sera considéré indemne qu’à l’issue de deux tests négatifs à 16 semaines d’intervalle. Et un chat sera considéré virémique persistant seulement si deux tests espacés de plus de 16 semaines sont positifs.

Diagnostic de laboratoire :

L’immunofluorescence est réservée à l’utilisation en laboratoire et permet de détecter la protéine p27 à l’intérieur des polynucléaires et des plaquettes, si elle est pratiquée sur un prélèvement frais de sang total. Elle peut mettre en évidence une virémie faible indétectable par test ELISA.
Le PCR met en évidence une portion de matériel génétique du FelV. Des infections latentes peuvent donner des résultats faussement négatifs dans le sang, mais être détectées sur des prélèvements de moelle osseuse.

La vaccination contre la leucose n’induit pas de positivité pour ces tests.

Traitement :

Plus de 80 % des chats infectés par le virus leucémogène meurent des conséquences de l’immunodépression. Cela souligne l’intérêt de l’instauration d’un traitement symptomatique chez les chats malades qui va permettre de prolonger, selon les cas, la vie du chat avec une qualité de vie correcte. Ce traitement s’appuie essentiellement sur l’antibiothérapie pour lutter contre les surinfections bactériennes ; on peut également faire des transfusions sanguines pour corriger l’anémie.

L’interféron oméga félin dispose d’une autorisation de mise sur le marché pour cette indication ; son utilisation peut réduire les signes cliniques et augmenter la vie du chat.

Des antiviraux destinés aux humains comme l’AZT ont été utilisés avec succès.

Prévention :

Mesures hygiéniques :

L’isolement des chatons âgés de moins de 16 semaines est une méthode de prévention efficace. La séparation physique des chats et leurs excrétions potentielles peut réduire le risque de contagion dans une maison où il vit plusieurs chats dont certains sont virémiques persistants. 
Tests à deux semaines d’intervalle lors d’introduction d’un nouvel animal qui sera gardé en quarantaine.
Le virus est sensible à la chaleur, au savon et aux désinfectants usuels, les litières et les gamelles seront nettoyées régulièrement.

Vaccination :

Les particularités du cycle biologique des rétrovirus et le risque de retour à la virulence rendent difficilement concevable le recours à des vaccins à virus vivant atténué.
Trois groupes de vaccins sont disponibles, à virus complet inactivé, sous-unitaires et à vecteur vivant non réplicatif.
Les vaccins inactivés sont constitués de virus entiers produits en culture de cellules. Les vaccins sous-unitaires sont préparés à partir du filtrat inactivé, soit à partir d’une protéine immunogène produite par génie génétique. Ces deux groupes de vaccins sont associés à un adjuvant de l’immunité.
Le vaccin à vecteur vivant utilise une souche atténuée du virus de la variole du canari dans le génome duquel ont été insérés les gènes gag et env du FelV. Après infection, ce virus infecte les cellules du chat mais ne peut s’y répliquer. Il exprime néanmoins les antigènes du FelV qui sont présentés par voie endogène à la surface des cellules par le complexe majeur d’histocompatibilité, permettant l’immunisation du gène.

Quel que soit le vaccin choisi, le programme vaccinal comporte deux injections espacées de 3 à 4 semaines chez les chatons à partir de 8 à 9 semaines, avec rappel annuel.

La vaccination est efficace et permet de protéger une majorité des animaux contre une virémie persistante.

La vaccination de chats infectés latents ou virémiques persistants ne provoque aucune conséquence indésirable ; par contre il est souhaitable en particulier sur un adulte de vérifier la négativité. Par contre la vaccination contre les autres maladies doit être maintenu sur un chat malade afin de tenter de suppléer le déficit immunitaire.

Scroll to top